Boissons sans alcool : pourquoi les consommateurs hésitent encore malgré une demande croissante ?
Le marché des boissons sans alcool connaît une croissance sans précédent. En Europe, les ventes de bières et de spiritueux 0.0 % ont augmenté de plus de 30 % entre 2021 et 2024 selon une étude NielsenIQ. Pourtant, une grande partie des consommateurs reste encore réticente à franchir le pas. Pourquoi un tel paradoxe ? Pourquoi l’intérêt ne se traduit-il pas systématiquement en achat ?
Cet article explore les freins psychologiques, culturels, économiques et sensoriels qui ralentissent encore l’adoption des alternatives sans alcool, malgré leur succès médiatique et l’engouement pour un mode de vie plus sain.
📉 1. Une dissonance entre image et réalité
Le mythe du "faux produit"
Beaucoup de consommateurs associent encore les boissons sans alcool à des produits "dilués", "tristes", voire inutiles. Cette perception est notamment liée à l'époque où les premières versions de bières sans alcool étaient fades et peu convaincantes. Malgré les progrès techniques majeurs, l’image négative reste ancrée.
📊 Selon une étude menée par YouGov (2023), 45 % des adultes européens pensent que les boissons sans alcool n’offrent pas une expérience gustative satisfaisante.
Dans le secteur de la bière, les techniques modernes et les avancées récentes ont permis de découvrir d'excellentes bières sans alcool. Autrefois, les options étaient limitées et le goût n'était pas très convaincant. Aujourd'hui, la sélection est beaucoup plus variée et la qualité des saveurs est si élevée qu'elle pourrait presque surpasser celle des bières alcoolisées. Il est désormais courant de commander une bière sans alcool, ce qui était moins fréquent il y a quelques années.
Sans aucun doute c'est ce qui attend le secteur du vin désalcooolisé.
La peur du jugement social et la pression sociale.
Boire de l’alcool reste une norme sociale. Dans de nombreux contextes — soirées, restaurants, afterworks — choisir une boisson 0.0 % est parfois perçu comme une anomalie ou un renoncement, ce qui freine le passage à l’acte, surtout en public.
Réfléchissez bien. Il est souvent arriver que vous ayez vécu ce genre de situation :
"J'ai arrêter de fumer" - "Félicitations, c'est super. Content pour toi."
"J'ai arrêté l'alcool" ; "Ah bon, Pourquoi ? T'es malade ? T'as un souci avec l'alcool ?"
Le choix de vouloir ou de cesser de consommer de l'alcool entraîne des réflexions qui, en vérité, révèlent les habitudes des personnes qui vous entourent. En général, elles éprouvent de l'envie ou de la jalousie envers votre capacité à abandonner l'alcool, un sujet souvent considéré comme tabou dans notre culture. Cela met en lumière leurs propres dépendances.
💰 2. Une perception de prix élevé
Beaucoup de consommateurs estiment que les boissons sans alcool sont trop chères comparées à leur version alcoolisée. Cette critique revient souvent, notamment dans le cas des spiritueux 0.0 % ou des vins désalcoolisés.
Pourtant, la réalité est plus complexe :
- La désalcoolisation ou l’extraction des arômes est un procédé coûteux.
- Les productions sont encore de petite échelle, donc moins optimisées.
- Les ingrédients sont souvent bio, naturels ou sans additifs.
📈 Le coût moyen de production d’un gin sans alcool est supérieur de 15 à 20 % à celui d’un gin classique (source : Distill Ventures, 2022).
La désalcoolisation d'un produit contenant de l'alcool nécessite un processus minutieux et souvent long. Les installations nécessaires sont coûteuses et peu courantes. Des pays comme la Belgique et l'Allemagne se distinguent dans ce domaine. La France commence à s'impliquer avec une nouvelle unité de désalcoolisation située dans le Gers.
Les frais liés à l'envoi du produit en Allemagne, à la désalcoolisation, au retour dans le domaine d'origine, puis à la vente par intermédiaire... Tout cela impacte le prix final. Pour une bouteille de vin désalcoolisé, il faut prévoir un coût supplémentaire compris entre 1 et 4€.
🧪 3. Manque de produits et de distribution
Malgrè leur nombre croissant et une offre qui s'élargit de plus en plus, les boissons sans alcool sont encore mal représentées en grande distribution. Les rayons sont souvent limités, mal identifiés, ou mélangés aux sodas.
📊 Selon IWSR, 41 % des consommateurs intéressés par les produits sans alcool ne savent pas où les acheter.
Depuis un certain temps, les grandes surfaces révisent leur stratégie et offrent de plus en plus de produits sans alcool. Les bières y sont bien représentées, ainsi que quelques alternatives d'apéritifs sans alcool. En revanche, la situation est plus complexe pour le vin. En effet, dans la plupart des grandes surfaces, on trouve principalement des marques de qualité inférieure qui se concentrent sur la quantité. Vintense et Night Orient sont souvent les marques les plus courantes. Ces produits ne représentent pas vraiment le marché des vins sans alcool, ni celui des boissons sans alcool en général. Ils ont simplement l'avantage d'être moins chers et disponibles en grande quantité.
Les magasins spécialisés dans les boissons sans alcool sont assez rares. En Belgique, il n'y a qu'une seule cave entièrement dédiée à cela : DRINKER 2.0 à Tournai. La plupart des cavistes offrent quelques choix de vins sans alcool, mais cela reste minoritaire par rapport à leur large gamme de vins traditionnels. De plus, quelques sites internet existent, mais l'assortiment proposé est souvent identique.
🎯 4. Perception du goût et Frilosité
En tant que professionnel, je constate souvent que l'idée reçue selon laquelle les boissons sans alcool ne sont pas bonnes persiste. "J'ai goûté il y a dix ans, c'était juste du jus de raisin sucré. Ce n'est pas du vin." Pourquoi cette opinion ? Parce qu'il y a dix ou cinq ans, l'offre était encore limitée, les techniques étaient moins à la pointe que maintenant. Les produits que l'on trouvait dans les grandes surfaces, comme je l'ai expliqué précédemment, ne sont pas toujours synonymes de qualité, car ils se concentrent sur le volume à bas prix. Un repas chez McDonald's peut être agréable, mais cela ne représente pas la haute cuisine... C'est la même chose ici.
Les gens restent figés sur leur première impression négative du sans alcool. Avez-vous déjà goûté un vin traditionnel que vous n'avez pas apprécié ? Cela ne signifie pas que vous considérez que TOUS les vins sont mauvais. Alors pourquoi faire cette généralisation avec les boissons sans alcool ?
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🧠 5. Une communication encore trop défensive
Beaucoup de marques positionnent encore leurs produits comme des "alternatives" à l’alcool, et non comme des expériences à part entière. Elles insistent sur l’absence d’alcool, plutôt que sur le goût, la qualité, ou la créativité. Cela renforce l’idée que ce sont des produits de substitution et non de plaisir.
💡 Les marques qui réussissent (ex. : Pierre Chavin, Tempera, OSCO Drinks, Lyre’s, Niets, GlenDochus, ...) valorisent l’univers aromatique, les associations mets-boisson, ou l’aspect lifestyle.
🌿 6. Un changement de mentalité… en cours
Heureusement, le vent tourne :
- La Gen Z consomme 20 % d’alcool en moins que les générations précédentes (source : Berenberg Research).
- Les sportifs, les femmes enceintes, les jeunes parents, ou encore les adeptes du "sober curious" s’emparent du sans alcool.
- Le dry January, les mocktail bars ou les cartes 0.0 % en restauration deviennent tendance.
- Certaines boites de nuit songent à proposer des versions sans alcool de leurs meilleures ventes.
La demande est là, mais les marques doivent encore investir dans l’éducation, la visibilité et l'expérience client pour lever les derniers freins.
Conclusion
Les boissons sans alcool ne manquent ni de qualité, ni de potentiel. Mais les blocages sont encore nombreux, entre perception erronée, frein social et manque de disponibilité.
La clé du développement de ce marché repose sur un repositionnement du sans alcool comme une véritable culture, riche et affirmée, et non comme une simple alternative hygiéniste.
